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LES HAUTS FOURNEAUX

Les hauts fourneaux de Sermaize les Bains (1838/1897)

Au cours de la première moitié du XIX ème siècle, une industrie métallurgique voit le jour dans le sud-est du département de la Marne. Des Hauts-fourneaux et fonderies s’établissent à TROIS-FONTAINES, CHEMINON et SERMAIZE. Dans les deux premières localités, l’existence de ces établissements sera éphémère, tandis que l’entreprise sermaizienne se maintiendra jusqu’à la fin du siècle.

La fondation

Tout commence le 15 février 1836 quand François-Achille JACQUOT, de MORLEY (Meuse), et Charles HANNOTIN, de SERMAIZE, en leur qualité de propriétaires du moulin de cette dernière localité, écrivent au Préfet de la Marne (Arch. Nat. F 14 4390). Ils lui demandent l’autorisation d’établir, sur les dérivations du canal du moulin, deux haut-fourneaux et un brocard à mine composé de douze pilons. (Un bocard est une machine à concasser le minerai. Il se compose d’un jeu de pilons soulevés par des cames placées sur un arbre mû par une roue hydraulique).

Cette lettre témoigne des préoccupations sociales de leurs auteurs, qu’ils réaffirmèrent d’ailleurs à différentes reprises à l’occasion de l’enquête de commodo et incommodo. La population de Sermaize s’élève à cette époque à 1800 âmes et l’implantation de cette industrie « occupera un très grand nombre d’habitants et procurera de l’ouvrage aux bras inoccupés des pays voisins ».

Le 11 mars 1838, une demande d’autorisation est adressée à la mairie de SERMAIZE pour extraire du minerai de fer dans les pâquis communaux, aux lieux-dits « Le Châtelet », et « La Plaine » (Arch. Marne 8 § 7).

Une affiche du 9 avril 1838 nous apprend que le minerai sera extrait tant à SERMAIZE qu’à CHEMINON et que l’ouverture de nouveaux chemins permettra de tirer une grande partie des charbons de la forêt de BEAULIEU où les usines à fer n’ont pu s’approvisionner en minerai. Les pétitionnaires envisagent une production annuelle de quinze cents tonnes de fonte et une consommation de trente mille stères de bois qui seront pris dans leurs propriétés et dans les forêts de la Marne et de la Meuse.

Voici quelques chiffres qui permettent de mieux comprendre les méthodes de travail à cette époque :

Pour obtenir :

  • 1 m3 de minerai de fer

Il faut

  • 1 à 7 m3 de brut
  • 1 tonne de fonte
  • 2.5 à 3 tonnes de minerai lavé
  • 1 tonne de fer

  • 1.5 tonne de fonte
  • 1 tonne de fonte

  • 1 à 1.3 tonne de charbon de bois

  • 70 kg de charbon de bois

  • 1 stère de bois

(de P.Béguignot , une grande industrie haut-marnaise disparue : la fabrication de la fonte et du fer ; Chaumont 1979, page 84).

Le Conseil Municipal de SERMAIZE accepte la cession de 1 Ha, 92 a, 21 ca moyennant 12 francs 1 centime par are, et l’accord est signé le 10 mai 1838.

La mise en activité

L’accord de l’administration des forêts ne se fait pas attendre. Il est daté du 20 novembre 1838. Les services de l’arrondissement minéralogique de Troyes seront beaucoup plus lents à fournir leurs conclusions et l’autorisation définitive n’intervient que par ordonnance royale du 11 mai 1841.

Entre-temps, cependant, la famille JACQUOT s’est associée à Augustin MOREL, ancien notaire et maître de forges à SERMAIZE. En 1840, la société MOREL-JACQUOT et Cie. occupe un bâtiment dont la valeur locative est estimée à cinq mille francs et elle acquitte une patente de onze cents francs. Leur installation se compose d’une machine hydraulique d’une puissance de 24 CV, un moulin à eau, un fourneau, une fonderie, une serrurerie et un brocard. Trente cinq hommes et sept enfants y sont employés aux salaires respectifs de deux francs et cinquante centimes par jour (Arch. Marne 186 M 6)
Dés le début des travaux, un litige surgit à propos de l’évacuation des eaux usées. L’article 3 de l’ordonnance de 1841 est rectifié le 17 février 1845 en ces termes : « Le dessus de toutes les vannes et du réservoir sera établi à 18 cm. (au lieu de 1m.18) en contrebas de la clé du pont désigné au dossier ».
(Arch . Nat. F 14 8233).

De nombreuses difficultés se présentent, mais on n’en connaît pas le détail, si ce n’est la nécessité de remplacer le charbon de bois par la houille, et la non rentabilité de l’extraction du fer sermaizien. Les projets initiaux ne sont pas réalisés et seul le haut-fourneau est édifié. L’entreprise piétine et, vers 1850, suspend son activité.

Avec l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg en 1851, on assiste à une relance économique, permettant l’approvisionnement en matières premières et l’acheminement rapide des produits finis.

Les famille HANNOTIN et BOUILLARD s’associent en 1853 et reprennent l’exploitation. Au préalable, la nouvelle direction sollicite l’autorisation d’ajouter un patouillet à deux huches (le patouillet est une auge demi-cylindrique, en bois ou en fonte, au centre de laquelle se meut un arbre de couche armé de palettes qui agitent la masse dans l’eau jusqu’à ce qu’on la fasse évacuer par une vanne de fond)., et un bassin d’épuration à leur bocard, pour achever la préparation du minerai. Le rapport de l’Ingénieur des Mines signale que le minerai provient de Hévilliers et de Tréveray dans la Meuse. La production du minerai préparé est évaluée à 550 m3. pour 1.375 m3 de matière première (Arch. Marne 8 S 7).

Face aux difficultés de la conjoncture

En 1854, l’usine emploie neuf ouvriers. Elle produit 1.274 quintaux 96 métriques de fonte brute et 2.050 Q.59 de fonte moulée pour un chiffre d’affaires de 54.621 F 90 (Ibid., 188 M 4). En quatre ans, l’entreprise change alors trois fois de patron. En 1857, c’est Jules LAGOUTTE ; en 1860, DELAUNAY et GUYARD ; en 1861 : BREUIL.

Progressivement, on embauche et on atteint, en 1860, le nombre de dix à douze ouvriers dans les ateliers et de quarante-cinq à cinquante à l’extraction. En 1866, le personnel s’élève à quatre-vingts personnes.

La reprise

Suite à la guerre de 1870-1871, et à la perte des usines mosellanes, les industries de l’intérieur connaissent un mouvement de reprise assez sensible. Les installations de Sermaize sont les seules qui subsistent dans le département de la Marne et une soixantaine d’ouvriers y retrouvent du travail.

La matière première, dont la quantité employée par an est de 2.300 m3, est tirée pour les deux tiers de Cheminon, dans la Marne ; pour le reste, de la Haute Marne, de la Meurthe et de la Meuse. On chauffe au moyen de charbon de bois, dont il se consomme 2.260 m3, de coke, évalué à 158.160 kg, et de castine ou grève, employée comme mordant. La fonte se fait par charge et chaque charge donne 115 à 125 kg d’une fonte grise de première qualité, nerveuse et propre à toute espèce de moulage. On peut faire quarante charges en 24 heures. Le rendement annuel est de 1.500.000 kg de fonte. Les produits sont dirigés en partie sur Vitry, Châlons, Reims, Amiens, Paris et Lyon. (Monsieur Poinsignon, géographe du département de la Marne ; 2 ème Edit. Châlons, 1873. P 71).

Un second haut-fourneau est alors mis en chantier.

La Société des Hauts-Fourneaux de Sermaize est maintenant la propriété de Monsieur Claude-Léon DENONVILLIERS, « doyen des fondeurs de Paris ». (Arch. Nat. F 12 5126).

En 1874, la Société extrait 28.140 quintaux métriques de minerai par petits puits et galeries sur cinq chantiers de Cheminon. On y constate une baisse de 30% par rapport à l’année précédente et, cinq ans plus tard, il n’y aura plus de minières de fer exploitées dans la Marne, le minerai venant alors uniquement de la Meuse et de la Meurthe et Moselle (Arch. Marne, 8 S 19-21).

Un rapport du sous préfet de Vitry-le-François fait état de cent-cinquante ouvriers en 1874 et se félicite de la régularité du travail et des expéditions, alors que la crise frappe tous les autres secteurs économiques (Ibid. 186 M 12). Le personnel ira encore en s’accroissant pour atteindre son maximum au premier trimestre 1876, avec deux CENT SOIXANTE6QUINZE OUVRIERS 5Ibid ; 186 M 13-14. – A cette époque, cinq cents ouvriers travaillaient à la Sucrerie de Sermaize).

Le 13 mars 1877, la raison sociale de la Société se transforme et devient « DENONVILLIERS L. et Fils et SALEUR Jeune », ce dernier étant le gendre du maître de forges (Ibid., 14 U 3072). Sur place réside Maurice DENONVILLIERS, né le 7 mars 1848.

Pendant cinq années, la situation reste satisfaisante. En 1881, on produit 1.266 tonnes de fonte moulée et 1.423 tonnes de fonte brute pour une valeur de 421.914 francs. Au deuxième trimestre 1882, tout marche encore bien. On dénombre cent quatre-vingt deux ouvriers. Le salaire journalier des hommes est de 4 francs, celui des femmes de 1.50 francs et celui des enfants 1.30 francs (Ibid., 186 M 16).

En 1883, on assiste brusquement à l’arrêt de l’expansion des hauts-fourneaux de Sermaize. Pour écouler leur production, les usines de Meurthe et Moselle vendent à bas prix, perturbant profondément le marché. Le 13 avril 1883, le haut-fourneau de Sermaize est éteint et l’Ingénieur des Mines note dans son rapport trimestriel : « il y a bien lieu de croire qu’il ne sera pas rallumé avant quelques années ». (Ibid., 8 S 19-21). En fait il ne sera plus rallumé.

La lutte pour survivre

Après l’extinction du haut fourneau, l’exploitation de Sermaize se limite à une fonderie en second fusion (Arch. Marne, 8 S 19-21). En 1884, les commandes deviennent de plus en plus rares. En mars, il y a cent quatre vingt ouvriers, mais en novembre, il n’y en a plus que 120. La crise commerciale et la concurrence étrangère n’arrange rien.

En quête de nouveaux débouchés, Maurice DENONVILLIERS se lance dans la fabrication de fontes pour bâtiments : balcons, balustrades, vérandas, escaliers, grilles d’entrée et de clôtures, candélabres de villes et lampadaires. Mettant à profit ses nombreuses relations dans la sphère ecclésiastiques, il décroche des commandes de statues religieuses.

Les premières pièces de bronze d’art furent réalisées à l’occasion du jubilé du pape Léon XIII. Ce fut d’abord une réduction du monument du pape Urbain II élevé à Chatillon sur Marne. A la demande du diocèse de Châlons qui avait organisé une souscription, l’usine de SERMAIZE produit un véritable chef-d’oeuvre : un groupe en bronze représentant Saint Albin arrêtant Attila aux portes de sa ville épiscopale.

Se spécialisant de plus en plus dans ce domaine particulier, la raison sociale de l’usine de Sermaize se transforme, le 11 avril 1891, en « Fonderie d’art et de Bâtiment », dont le siège est à PARIS, 174 rue Lafayette (Arch. Marne 14 U 3072).

Ce changement d’orientation, malgré des débuts prometteurs, n’apporte pas les résultats escomptés. L’activité s’essouffle rapidement et, en 1895, les fonderies n’emploient plus que 80 ouvriers. L’exploitation est reprise par Messieurs SALIN et CAPITAIN, maîtres de forges à BUSSY, près JOINVILLE (Haute Marne).

L’année 1896 s’ouvre sous des auspices particulièrement néfastes. Dès le 1er janvier, on procède à des licenciements. Dans un rapport officiel, le maire communique au Préfet : la forge est actuellement en liquidation et dut de ce chef renvoyer 40 ouvriers. Il signale comme causes de cette détérioration, la concurrence et d’autres qui lui sont inconnues (ibid., 186 M 20). Parmi ces dernières, il en est une qui affecta certainement le morale du directeur et anéantit sa combativité, la noyade accidentelle dans la Saulx à SERMAIZE, de ses deux filles âgées de 18 et 24 ans, le 15 juillet 1896.

En juillet 1897, la forge de SERMAIZE-LES-BAINS ferme définitivement ses portes (ibid.,186 M 21).

Ainsi s’achève l’épopée métallurgique marnaise à la fin du XIXème siècle.

Texte issue des travaux de monsieur Albert MARTINET et de l’Abbé KWANTEN

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